Les Bailly, la montagne à quatre mains, réd: Christophe Dutoit
- Bernard Bailly, Grands paysages alpins
- 20 avr. 2024
- 3 min de lecture
Dernière mise à jour : 22 avr.
Le couple Janet et Bernard Bailly expose au Musée de Charmey sa fascination pour les montagnes gruériennes. Entre les Gastlosen, le Moléson et la Dent-de-Broc, les deux Fribourgeois montrent cette «nature façonnée par l’homme», avec de nombreux clins d’œil à l’histoire de l’art.
PEINTURE. La roche, le caillou, la pierre et la multitude de gris qu’ils réfléchissent. Mais aussi des arbres aux mille verts, des reflets violacés dans l’eau, des ciels perturbés. Depuis dix-sept ans, le couple Janet et Bernard Bailly conjugue son amour pour la peinture à deux regards et à quatre mains. Jusqu’au 8 septembre, le professeur d’arts visuels retraité de Saint-Michel et son épouse, ancienne professeure d’anglais sous le même toit, exposent au Musée de Charmey une trentaine de toiles récentes sous le titre Monuments de pierre.
Membres de la Guilde suisse des peintres de montagne, les deux Fribourgeois reviennent à Charmey dix ans après un accrochage consacré à la Jogne. De la rivière à la cime, il n’y a qu’un pas, que le couple stakhanoviste des pinceaux franchit avec enthousiasme. «Les deux pratiquent un art du proche, explique la conservatrice Pauline Goetschmann. Leur devise pourrait être «peindre ici pour les gens d’ici».»
Sur le motif
Même si Janet Bailly prétend peindre «des paysages façonnés par la main de l’homme», son époux n’hésite pas à représenter des sommets qui ne semblent atteignables que par des grimpeurs chevronnés. «On fait des croquis sur le motif, on prend des photos et des vidéos, mais on puise aussi des images sur internet, avoue Bernard Bailly, devant une toile à l’acrylique des Gastlosen. Pour moi, le format fait l’œuvre, davantage que le sujet.»
«On commence la plupart du temps en plein air et on termine notre travail en atelier», poursuit Janet Bailly. Sauf pour ce Moléson depuis Hauteville, qui déroge à la règle. «Le coup d’œil était exceptionnel à ce moment précis. J’ai juste eu le temps de faire une photo. Je pourrais revenir cent fois, je ne reverrais plus jamais ça.»
Cette «montagne sublime qui force le respect et l’humilité», aux dires de Pauline Goetschmann, se décline tout en matérialité et en couleurs parfois audacieuses. Chez les Bailly, chacun a sa touche. «Bernard encercle davantage les éléments, son style est plus graphique, plus dynamique, plus violent aussi, détaille Janet. Moi, mes couleurs sont plus osées et plus atmosphériques. Et je souligne davantage les choses avec des jeux d’ombre et de lumière.»
Parfois, comme sur ce Moléson vu du Gros-Plané, Bernard Bailly sollicite l’aide de son épouse. «Il m’a demandé de faire les arbres, pointe Janet. Cette partie-là au premier plan n’existe pas. Si Bernard a besoin de cailloux, il transforme.» Elle sourit. «Cette zone du tableau me fait penser à Derborence», commente-t-il.
Hommage à Hodler
Réalisées entre 2015 et ce printemps, les œuvres du couple Bailly égrènent leurs références à l’histoire de l’art. A l’image des tableaux réalisés sur les traces de Ferdinand Hodler, notamment des vues de Teysachaux et un hommage appuyé à Der Wanderer, peint en 1885 sur les flancs du Petit-Plané (La Gruyère du 4 juillet 2020).
«Je m’intéresse beaucoup à l’Ecole de Genève et surtout à Charles Giron, qui a peint le panorama de l’Assemblée fédérale à Berne», avoue Bernard Bailly, qui se définit volontiers comme un peintre «résistant contre l’art que certains appellent contemporain. Je ne comprends pas que le Musée d’art et d’histoire de Fribourg expose un homme qui vit une semaine dans une statue ou un Japonais, seul dans la grande salle, qui projette sur le mur une animation qu’on aurait pu voir dans une foire des nouvelles technologies à Dubaï. Je m’insurge contre les institutions qui galopent derrière les nouveaux artistes et je veux bien être en retard de quelques avant-gardes.»
A l’étage, Janet Bailly montre plusieurs toiles où des figures humaines apparaissent en filigrane. «Un Ötzi et une native américaine qui semblent hanter les lieux, comme un retour à l’âge mésolithique», décrit-elle. Plus loin, on croise les monolithes de Stonehenge, à quelques kilomètres de là où a grandi Janet dans le sud de l’Angleterre. Comme un lien à distance avec le bloc de pierre sur le parcours du tour des Gastlosen.
Musée de Charmey, jusqu’au 8 septembre, me-di 14 h 17 h.
LA GRUYERE
Samedi 20 avril 2024
Christophe Dutoit