top of page

Un double regard pour révéler une Sarine aux airs sauvages, réd: Eric Bulliard

  • Photo du rédacteur: Bernard Bailly, Grands paysages alpins
    Bernard Bailly, Grands paysages alpins
  • 6 avr. 2023
  • 3 min de lecture

Dernière mise à jour : 23 avr.

Janet et Bernard Bailly font exposition commune au Musée d’art et d’histoire. Sous le titre Sarine-Saane, le couple de peintres fribourgeois présente des paysages réalisés tout le long de la rivière. Une manière de revendiquer une tradition, de Caspar Wolf à Ferdinand Hodler.


La balade conduit du Sanetsch à l’Oltigenmatt. De la source de la Sarine, près d’un glacier valaisan, à sa confluence avec l’Aar, dans le canton de Berne. Entre les deux, la voici qui musarde, joue à saute-cailloux, traverse des champs et des falaises, sillonne le Pays d’Enhaut et la Gruyère. Janet et Bernard Bailly ont suivi son cours, équipés de leur chevalet et de leur boîte de peinture. Dans le froid ou la chaleur, parfois les pieds dans l’eau, ils travaillent dans l’urgence, afin de capter la bonne lumière. Jusqu’au 4 juin, le couple d’artistes fribourgeois présente une sélection de ces œuvres au Musée d’art et d’histoire de Fribourg.

Pour Bernard Bailly, enseignant retraité du Collège Saint-Michel, une telle exposition ressemble à l’approbation d’un «positionnement artistique», voire d’un manifeste. La représentation de la nature se double d’un hommage aux maîtres, suisses en particulier, de Caspar Wolf à Ferdinand Hodler.


Le couple se place aussi dans la tradition des écoles de Barbizon, de Pont-Aven, de tous ces artistes que l’on appelait les pleinairistes. Il s’est rendu à la montagne Sainte- Victoire comme à Flagey, dans le Doubs, où l’ancienne ferme de la famille de Gustave Courbet s’est muée en centre artistique.

Reprenant une expression de l’Antiquité, Bernard Bailly se dit volontiers « bête comme un peintre». Les Anciens estimaient  en effet que cet artiste, contrairement au poète ou à l’architecte, se contentait d’imiter la nature. L’ancien prof ajoute «bête comme un peintre qui ne comprend pas l’art contemporain» et précise: «Bête et heureux comme un peintre.»


Heureux, en tout cas, comme un peintre de plein air: c’est avec Janet Bailly, également  ancienne enseignante de Saint-Michel, qu’il a découvert le plaisir de travailler sur le motif, loin de l’agitation de la ville. Comme un retour à l’essentiel, «dans l’esprit du philosophe américain Ralph Waldo Emerson : dans la nature, l’homme revient à la raison et à la foi».


Un art de la proximité

Les deux artistes revendiquent une démarche de proximité: ils peignent ici, pour les gens d’ici. «Notre travail est en quelque sorte blochérien affirme Bernard Bailly. Blochérien dans la défense des valeurs nationales, locales, traditionnelles. Notre culture, nos religions, nos langues.» Outre les maîtres de naguère, il se place dans le sillage d’artistes locaux: «La culture d’ici, c’est Jacques Cesa sur les alpages de la Gruyère, c’est Armand Niquille, Marc Monteleon et Jean-Pierre Humbert à Fribourg.»

Nées d’innombrables randonnées au fil de l’eau (avec quelques incursions le long de la Glâne, de la Gérine ou de la Jogne), les œuvres de Sarine - Saane ont été complétées en atelier, lors d’une résidence d’artiste offerte par le MAHF. Pour Janet Bailly, c’était surtout l’occasion de rencontrer le public et de parler de sa méthode. «Je commence un tableau par une ou plusieurs séances sur le motif, en plein air, explique-t-elle. Je peux ainsi me plonger dans l’atmosphère du lieu, saisir la composition qui s’impose à moi.» En atelier, elle peaufine les détails, en cherchant à ne pas perdre les sensations de la nature.


Contre le photoréalisme

Ils travaillent en parallèle, se partagent des sujets, mais les deux artistes n’en gardent pas moins leur personnalité leur style et leurs singularités. «Janet Bailly utilise souvent des formats plus petits, tout en proposant des points de vue plus larges», remarque par exemple Stephan Gasser, commissaire de l’exposition. Sa palette se révèle aussi généralement plus chaude que celle de son époux. «Bernard est imprégné de Hodler: il a tendance à cerner les choses de lignes noires», ajoute Janet Bailly, en montrant des rochers peints à Illens. Sa peinture à elle apparaît plus sereine, plus atmosphérique, là où il pratique par touches énergiques, pour des toiles plus tourmentées, particulièrement appropriées quand la rivière se fait sauvage.


Les tableaux se rejoignent toutefois dans leur puissance expressive. Ils refusent le «photoréalisme» pour exprimer la nature et ce que l’on appelait, chez les romantiques, le sublime. Dans ces paysages lumineux ou sombres, surgissent quelques traces humaines. Ici un pont, là une maison, plus loin la ville de Fribourg. Comme des signes discrets de cette civilisation toute proche, qui ne sait plus vraiment voir la nature sous ses yeux.


LA GRUYERE

Jeudi 6 avril 2023

Eric Bulliard


Posts récents

Voir tout
bottom of page